Poésie : A Monsieur François Guizot
Titre : A Monsieur François Guizot
Poète : Amable Tastu (1798-1885)
Recueil : Poésies nouvelles (1835).
« S'il a plu à Dieu de nous honorer de quelques-uns de ses beaux dons, qu'ils ne soient consacrés qu'à notre propre perfectionnement et à rendre heureux ceux qui nous entourent, qui ont droit à jouir, et à jouir seuls de tout ce que nous pouvons être. »
Éliza Guizot
Heureuse, elle a dit vrai, si, du feu saint dotée,Éliza Guizot
Aux autels familiers brûlant sans se tarir,
Sa lampe ne fut point cette flamme agitée
Qui, des airs du ciel tourmentée,
Semble toujours prête à mourir !
Heureuse, que ses dons lui soient un héritage
Qui n'ait point à briguer la faveur du passant !
Que son travail soit libre, et son facile ouvrage
Payé d'un proche et doux suffrage
Et d'un sourire caressant.
Heureuse, je le sais, une chaste pensée
Qui n'eut dans sa beauté qu'un juge et qu'un témoin ;
Qui ne sent point rougir, sur la scène poussée,
Sa fière pudeur, offensée
Des bravos dont elle a besoin.
Heureuse aussi l'épouse, alors que dans la lice
Le nom cher à son cœur peut briller tout entier !
Plus grand est le péril, plus haute est la justice :
C'est la rouille, et non le service,
Qui ternit l'éclat de l'acier.
Heureuse encore la mère ! après la peur secrète,
Ce mal de tout amour qu‘on a peine à bannir,
Ses enfants l'auront vue, en ses vœux satisfaite,
Reporter de leur blonde tête
Un œil serein sur l‘avenir.
Heureuse la chrétienne à la voix généreuse,
Plaidant tout haut pour ceux qui se plaignent tout bas,
Cherchant l’asile où gît la pauvreté peureuse ;
La charité la guide : heureuse
Qui l’exerce et ne l‘attend pas !
Mais plus heureuse l’âme à tous nos maux ravie !
Qui meurt jeune et pleurée est morte au champ d’honneur
Quel cœur instruit du monde, hélas! ne porte envie,
A qui voit la fin de sa vie
Avant la fin de son bonheur ! Amable Tastu.