Poésie : Bien perdu
Titre : Bien perdu
Poète : Amédée Pommier (1804-1877)
Recueil : Colifichets, jeux de rimes (1860).
Entre quinze et vingt ans, le cœur tout neuf, qui sort
De sa torpeur première et qui commence à vivre,
S'enflamme quelquefois tout de bon, et s'enivre,
Dans un profond secret, d'un amour grand et fort.
Honteux de laisser voir cette ardeur qui le mord,
C'est sous un dehors calme et serein qu'il s'y livre,
Et l'on se dit, craignant les troubles qui vont suivre :
N'éveillons pas trop tôt ce cœur d'enfant qui dort.
Grâce aux cachets, fermoirs et scellés qu'on y pose,
Homme et femme, à cet âge, ont l'âme si bien close,
Qu'on n'en peut soupçonner les intimes combats.
On serait bien surpris, si l'on pouvait y lire. —
Combien, dans leur jeunesse, ont aimé sans le dire !
Combien furent aimés, qui ne le sauront pas !