Poésie : L'aveu
Titre : L'aveu
Poète : Antoine Fontaney (1803-1837)
Dis-moi qu'elle est aussi ton premier souvenir,
Celle où tous tes pensers viennent se réunir,
Cette heure où commence ma vie,
Et qui, de mes printemps renouvelant le cours,
Ne me laisse compter au nombre de mes jours
Que les jours seuls qui l'ont suivie ;
Ramenant quelque espoir sur ton front obscurci,
Ne t'apprit-elle pas aussi,
Qu'embrasés de la même flamme
Nos cœurs, qui l'un à l'autre enfin s'étaient donnés,
L'un à l'autre étaient destinés,
Et que ton âme était mon âme ?
Tu t'en souviens, ce fut un soir :
Pour la première fois peut-être
Un instant sans témoins nous avions pu nous voir ;
Mais le hasard l'avait fait naître
Cet instant, et bientôt il allait disparaître !
Déjà s'épaississaient les voiles de la nuit ;
L'émail de ce cadran où l'aiguille inflexible
Poursuivait sa marche invisible ;
Ce calme des cités qui succède à leur bruit
Sur l'aile du sommeil pendant que le temps fuit ;
Les dernières clartés de ta lampe mourante,
Du foyer la flamme expirante ;
Tout enfin, excepté ton languissant regard,
Tout me parlait d'adieux et de départ.
Cet adieu qu'il fallait te dire,
Je te l'avais dit sans espoir ;
Cependant pour te le redire,
Comme enchaîné par ton sourire,
Près de toi je revins m'asseoir.
Je ne sais quel élan soudain, involontaire,
L'un vers l'autre attira nos cœurs en ce moment ?
Quel inexplicable mystère
Les ouvrit au besoin d'un double épanchement ?
Dans ces rapides confidences,
Je te racontais mes souffrances,
Et tu me peignais tes malheurs,
Je n'osais pas encore te parler d'espérance ;
Mais j'avais compris tes douleurs,
Je savais qu'en mêlant nos pleurs
Nous nous consolerions un jour de l'existence.
Pendant ce triste et touchant entretien,
Mon siège malgré moi se rapprochait du tien ;
L'espace d'un soupir nous séparait à peine,
Car je respirais ton haleine,
Ton front touchait presque le mien.
Déjà ta main que j'avais rencontrée,
Ta main captive sous ma main,
Sans que tu l'eusses retirée,
J'avais su de mon cœur lui montrer le chemin ;
J'avais sur ta bouche adorée
Appuyé ma bouche enivrée ;
Et toi, dans des transports si doux,
Comme moi sans doute égarée,
Tandis que de mes bras enlaçant tes genoux,
Tremblant de crainte et d'espérance,
Je te contemplais en silence,
Tu me voyais à tes pieds sans effroi,
Tu te penchais même vers moi ;
Et dans ton abandon, dans ces regards timides,
Qui de tes paupières humides
S'échappaient, embellis encore par leur pudeur,
Dans ton trouble, dans ta rougeur,
Mes yeux lisaient avec ivresse,
Et le secret de ta tendresse,
Et le pardon de mon bonheur.
Transports, moments sacrés, qui doublez l'existence,
Quelles promesses de constance,
Quels gages, quels garants d'un éternel retour
Auraient su mieux que vous rassurer notre amour ?
N'eût-il été pour nous qu'une flamme nouvelle,
Déjà pour la croire immortelle
Avions-nous besoin de serments ?
Non, non, le cours des ans en vain se renouvelle,
A de pareils enchantements,
A de tels souvenirs on n'est pas infidèle.
Ah ! Ce céleste sentiment,
Les accents profanés d'une langue mortelle
L'auraient exprimé vainement ;
Le secret d'un lien si tendre,
Ce secret de bonheur que nous n'osions comprendre,
Sans que nous nous fussions parlé,
Nos lèvres devaient nous l'apprendre,
Et c'est par un baiser qu'il nous fut révélé !