Poésie : À M. Le marquis d'Étampes (I)
Titre : À M. Le marquis d'Étampes (I)
Poète : Jacques Delille (1738-1813)
(Qui m'avait envoyé des vers.)
Les Grecs, en courtois chevaliers,
Dans leurs combats, s'il en faut croire
Ce qu'ont dit la fable et l'histoire,
Changeaient entr'eux de boucliers ;
Ainsi de vers, d'estime et de louange,
Nos muses à l'envi font un heureux échange :
Me défendre est bien noble, et vous louer bien doux.
Mais quelle distance entre nous !
Contre la censure rigide,
Lorsqu'en rivaux unis nous élevons la voix,
Mon suffrage pour vous n'est qu'un faible pavois,
Et votre éloge est mon égide ;
De votre jugement je tire vanité ;
Oui, puisque je vous plais je dois blesser l'envie,
Et si Virgile est sûr de l'immortalité,
Tous deux vous m'assurez quelques instants de vie.
Vous êtes mes garants ; car, enfin, c'est beaucoup
D'être inspiré par le génie,
Et d'être guidé par le goût.