Poésie : Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux
Titre : Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux
Poète : Joachim du Bellay (1522-1560)
Recueil : Les Regrets (1558).
Sonnet LXXV.
Gordes, que Du Bellay aime plus que ses yeux,
Vois comme la nature, ainsi que du visage,
Nous a faits différents de mœurs et de courage,
Et ce qui plaît à l'un, à l'autre est odieux.
Tu dis : Je ne puis voir un sot audacieux
Qui un moindre que lui brave à son avantage,
Qui s'écoute parler, qui farde son langage,
Et fait croire de lui qu'il est mignon des dieux.
Je suis tout au contraire, et ma raison est telle :
Celui dont la douleur courtoisement m'appelle,
Me fait outre mon gré courtisan devenir :
Mais de tel entretien le brave me dispense :
Car n'étant obligé vers lui de récompense,
Je le laisse tout seul lui-même entretenir.