Poésie : À Eugène Grangé
Titre : À Eugène Grangé
Poète : Théodore de Banville (1823-1891)
La fille du gai Thespis
Est tout endormie
Et penche son front de lys
Sur sa main blêmie.
Ses Bacchantes aux doux yeux
Ne versent plus le vin vieux ;
Assez de pleurs ! j'aime mieux
L'amour de ma mie.
On dit que nous triomphons !
Ô gaîté facile,
Où sont tes joyeux bouffons
Venus de Sicile ?
Les grands mots ont effrayé
Ce peuple au manteau rayé
Dont Molière a défrayé
La verve docile !
Mais ta Muse lace encor
A son pied d'albâtre
Le léger brodequin d'or
Qui sied au théâtre.
L'Amour est votre échanson,
Il rit à votre moisson :
Qu'il nous rende la chanson
Rieuse et folâtre !
Que la Comédie au moins
Ait son chant du cygne !
Ah ! sans prendre tant de soins
Pour paraître digne,
Son beau rire était si prompt !
Ami, sans lui faire affront,
Rien ne sied mieux à son front
Qu'un rameau de vigne.